Being there

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Parfois, vivre dans une ville de province m’apparaît comme une grande chance (faut tout de même pas exagérer, ces moments de naïve félicité sont quand même rares…).

J’ai déserté depuis longtemps les salles obscures du coin, découragée par l’insipidité de leur programmation (ben oui, on peut pas vivre en province et espérer l’offre culturelle d’une capitale); j’aurais pu sombrer dans l’abattement le plus total, moi l’accro au cinoche, la dingo d’é-toiles et puis, j’ai découvert dans ma ville une cinémathèque extraordinaire. Dans un local anonyme, gris et triste, une caverne d’Ali Baba. Des milliers, que dis-je, des milliards de films en DVD sous mes yeux prêts à chialer de gratitude : depuis, je la squatte régulièrement et je me régale, en piochant dans les nouveautés ou en me faisant une orgie de classiques du cinéma français, italien, américain, anglais, iranien, chinois, etc.

Hier, j’ai vu « Being there », un film américain de Hal Ashby, datant de 1979, avec Peter Sellers et Shirley Mc Laine. Je vais vous le raconter. Je vais être très claire sur mes intentions : vous convaincre de lâcher votre ordi pour courir à votre vidéothèque ou chez votre loueur de dvd et harceler son personnel pour qu’il le déniche pour vous.

C’est parti. Je lance le film. Passées les dix premières minutes un peu brouillonnes, le film dévoile sa nature : celle d’une comédie complètement barge. Le pitch, Chance, jardinier, qui ne connait le monde qu’à travers les images de la télévision, ne sait ni lire, ni écrire et n’a jamais mis le pied en dehors de la propriété de son patron, voit sa vie basculer quand « the old man » casse sa pipe. Il est sommé de quitter la maison. Il erre dans les rues de Washington, perdu, incapable de se nourrir ou de communiquer avec les autres. Sa route croise celle d’Eve, la richissime épouse d’un influent homme d’affaires. Celui-ci, mourant, s’entiche de celui qui devient, à cause de malentendus Chauncey Gardiner (Chance the gardener). Chance, le simple jardinier (pour ne pas dire simplet), devient un homme sage dont les paroles obscures et métaphoriques sont accueillies comme des pépites que journalistes, hommes politiques s’empressent d’analyser. Mais il ne faut pas s’étonner. En Amérique, comme dit Louise, l’ancienne bonne du patron de Chance, il suffit d’être blanc pour réussir. 

Cette comédie pince sans rire, est pure jouissance. C’est un bijou d’ironie intelligente, une réflexion féroce sur les arcanes du pouvoir, mais pas seulement. C’est un miroir glaçant de nos limites intellectuelles, de nos lâchetés, de notre incapacité à utiliser l’outil le plus puissant dont nous disposions pour déchiffre le monde qui nous entoure dont nous sommes part : notre esprit critique

Peter Sellers excelle dans le rôle de Pierrot la lune débarqué d’une autre planète, Shirley Mc Laine nous régale de plus d’un moment d’anthologie (la « scène d’amour » avec Chance…). Cet énorme film revisite la fable des habits neufs de l’empereur. Il parle d’hier et d’aujourd’hui. Il parle de demain. Des Etats-Unis de Trump, de Bush, ou d’Obama, comme de la France. Il parle de nous. Ce film ne vieillira pas parce que les hommes ne changent pas.

Comment peut-on continuer à l’ignorer ? Et pourquoi avez-vous encore le cul collé à votre chaise ? Sortez, foncez, allez vite le trouver !

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