Quand j’ai quitté l’Italie pour Paris, ma valise pesait 16 kilos. Quand j’en suis revenue, elle en faisait 25. 9 kilos de rab: pas de bonbecs ou de foie gras, pas de fromages ou de chocolats. Pas de vêtements ou de parfums. Mais le meilleur de la France : des livres ! Un des grands plaisirs de mes escapades parisiennes tient à ces kilos de culture dont je me leste. Les hôtesses au sol ont beau me faire la grimace, leur sévérité ne pourrait me faire renoncer à mes excédents de bagage. Et ces livres, de quoi s’agit-il ? Je le dis tout de suite (ou plutôt je l’écris), il ne s’agit pas de best-sellers ; ceux-là, je me les procure en ligne si vraiment je tiens à un titre précis. Non. Moi, j’aime la rencontre inattendue avec un auteur, une histoire que je n’attendais pas, un pauvre livre qui avait peut-être connu la gloire en son temps et qui n’attendait plus grand chose dans les bacs du soldeur où il pourrissait, à moitié moisi et résigné. On m’a dit un jour : « ce n’est pas toi qui choisis la rencontre, c’est elle qui te choisit ». J’aime bien cette idée-là. Alors je suis devenue avec les années une chineuse folle, une folle dingue de brocantes, une chercheuse d’or, une flaireuse de pépites. Et cette fois encore, la récolte a été bonne. J’aime les livres qui ont une histoire. J’ignore les livres tout propres, tout vierges des supermarchés de la culture. Ils ne m’inspirent pas. J’aime ceux que l’accident amène à moi. J’aime ceux qui me choisissent, ceux qui ont envie d’une autre vie, d’autres regards. Qui ne renoncent pas à séduire, à convaincre, à vivre entre les mains d’un lecteur amoureux.
Voici mes dernières pépites, les amis.
Elles reflètent, je crois, assez bien bien mes goûts éclectiques : ILLUSTRATION NOW (Wiedemann) : j’adore découvrir de nouveaux illustrateurs (artistes injustement méconnus pour la plupart, selon moi). FEMME BLANCHE, AFRIQUE NOIRE de Marie Trolet-Ndiyae (Grasset) et VIVRE AVEC PICASSO de Françoise Gilot (Calmann Levy) : les biographies et autobiographies nourrissent ma passion pour les histoires singulières ; DICTIONNAIRE AMOUREUX DES DICTIONNAIRES d’Alain Rey (Plon) : les dictionnaires ne finissent pas de m’enchanter, alors quand ils sont amoureux, c’est le paradis ; MARTIN EDEN de Jack London (10/18), du classique, parce qu’on pourra tout penser, les grands écrivains ne finissent jamais de nous apprendre à vivre, et le catalogue du peintre orientaliste Georges Gasté UN ORIENT D’OMBRE ET DE LUMIÈRE (Editions Musée du Montparnasse) : découverte d’un peintre que je méconnaissais… Bref, du grand bonheur en perspective, mes petits amis, que je me promets de vous faire partager en détail quand je les aurais lus…
J’ai commencé hier soir la lecture du livre de Françoise Gilot, « Vivre avec Picasso« , qui date de 1965 (Calmann-Levy). Le style est classique, tout le monde se vouvoie mais Françoise qui a vingt et un ans lorsqu’elle rencontre le maître (qui, lui, a dépassé la soixantaine), se laisse embrasser et peloter sans opposer de résistance (même de façade) ce qui choque l’Andalou : « Vous ne dites rien ? C’est dégoûtant ! » A suivre…
Illustrations :
« La belle qui lit » : Léon Comerre
Femme à la valise : © Carine Cros