Nos enfants sont de grands maîtres


Tous les enfants sont des artistes
. Non pas que leurs dessins (gribouillis ?) méritent d’être exposés au Louvre, au Guggenheim de New York mais parce qu‘ils possèdent un regard qui n’appartient qu’à eux, encore. Leur univers est unique. Comme leurs couleurs, leurs traits. Avec leurs quelques années d’existence sur terre, ils ne sont pas modelés par les dogmes académiques, les canons esthétiques de l’époque et de l’endroit où ils grandissent, leur parcours didactique en est à ses balbutiements ; ils n’ont pas subi l’influence d’artistes plus affirmés. Ils sont libres. Ma fille Nina, quand elle dessine, ne cherche pas à plaire. Elle ne guette pas mon approbation. Elle ne veut pas s’enrichir. Ni provoquer. Elle veut s’amuser, voir les couleurs se mélanger, trouver un exutoire à son trop plein d’énergie, se libérer. Créer.

Derrière l’apparente simplicité des dessins de Nina, il y a une vision du monde singulière, fragile, et son plus grand défi – et j’essaierai de l’y aider – ce sera de la préserver.

Aujourd’hui, trop d’enjeux gravitent autour de la création. Tout le monde veut être un artiste (parce que tout le monde veut se sentir important, être riche et célèbre). C’est débile, ça ne se décrète pas. Parce qu’au fond, on naît tous artistes. C’est à dire avec une vision du monde particulière, une capacité à créer. Le problème, c’est que nous perdons en chemin notre tranquille confiance en nous-même. Nous nous mesurons aux autres. Nous laissons à d’autres le droit de nous expliquer ce qui est beau, ce qui ne l’est pas. Ce qui est digne d’intérêt, ce qui ne mérite pas un coup d’œil. On nous fabrique des « artistes » comme des produits, avec une date de péremption. Des artistes qui font le « buzz », qu’on retrouve à la une des magazines, qui sont millionnaires, qui n’inventent rien, qui n’ont pas grand-chose d’intéressant à dire, à nous apporter, qui sont là quelques années au top pour s’en mettre plein les poches, enrichir un producteur, un agent ou un marchand d’art. Ça me fait penser à un film argentin formidable sorti il y a quelques années (en 2008) : « l’Artista », de Mariano Cohn et Gaston Duprat, que je vous conseille les yeux fermés (mais bon, ce serait mieux de les ouvrir après pour le regarder ^^) et qui raconte l’histoire d’un infirmier, Jorge, travaillant dans un hôpital psychiatrique qui s’approprie les dessins d’un des patients et qui devient grâce à eux la nouvelle coqueluche de l’art contemporain. Une belle illustration de la mécanique du monde de l’Art.

Un artiste que j’aime beaucoup et dont j’ai vu récemment une expo à Milan… Guess who ? Jean-Michel Basquiat. Certains disent que ses œuvres sont simples (même critiques que les snobinards font à Bansky), naïves parce que peu intellectualisées : SAMO © (Same Old Shit) ! Dommage pour eux, parce qu’être face à un tableau de Basquiat – pas une reproduction sur un beau livre, non, non un format réel-, c’est avoir le souffle coupé, c’est se prendre un coup de poing dans le ventre. Mais c’est quelque chose qui ne fait pas mal. Au contraire. On sent que ça nous remue à l’intérieur, que même nos tripes ressentent l’onde de choc, l’onde de plaisir. On est bouleversés. On a envie de pleurer. Moi, Basquiat me parle. Quand je suis sortie de l’expo, je me suis dit, moi aussi j’ai envie de dessiner, de peindre, d’exprimer ce que j’ai à l’intérieur. Ça a l’air tellement facile. Deux-trois couleurs, un bout de carton, tu gribouilles par-ci, tu colles par-là, tu fais des collages, tu superposes des matières, quatre-cinq mots qui ne veulent rien dire… Je vous le dis tout de suite : ça a été la débâcle. Essayez, vous aussi. Vous verrez que la spontanéité, quand on est adulte, ça demande un gros travail. C’est ce que confirme Picasso quand il disait : « j’ai mis toute ma vie à savoir dessiner comme un enfant ». J’ai pas de mal à te croire, Pablito…

Illustrations : Nina, dite Ninouche.

© Basquiat

 

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