COMMENT JE SUIS DEVENUE LA REINE DU FLAMENCO EN UNE SEMAINE

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Granada
JOUR 2

LA DOULEUR

Le deuxième jour, je serre les dents. La faute aux chaussures, sans doute. Leur cuir est rigide comme du carton. À chaque coup de talon ou de pointé, je sens un échauffement et une douleur irradier le long de ma jambe. A un moment, je n en peux plus. Je sors de la salle en désignant dans une grimace mes pieds à la prof Kika. Elle hoche la tête, sourit. Je cours dans les vestiaires pour farfouiller parmi la montagne de chaussures à disposition. Je vais bien trouver une autre paire en 38. Non. Rien. Qu’ est-ce que je fais? Je retourne dans la salle et je garde ma souffrance muette ? Il reste plus d’une heure de cours. C’est juste pas possible. Quand tu es aux prises avec la douleur, il n y a de place pour rien d’ autre. Alors je décide de tenter le coup avec mes sandales de baroudeuse… On verra bien. Quand je rejoins le groupe, le regard de Kika est formel :  » no ». Je vais pas contrarier une danseuse de flamenco. Recevoir un de leurs coups de pied en béton dans les fesses, ça doit laisser des traces. Elle précise : « tu risques de te blesser ». Je repars dans les vestiaires, la mort dans l’âme. Je remets les chaussures en carton et je rejoins les signoritas.

C’est long, une heure, dans des chaussures en carton. Chaque pas est une torture et on dirait que Kika a décidé de nous préparer pour le chemin de Compostelle. Je morfle.

A la fin du cours, elle me dit  » ne t inquiète pas. Il faut trois jours pour s’ habituer ».
S’habituer à quoi ? A avoir mal ? A ce que la douleur devienne si familière qu’on ne la perçoit plus ?
Je comprends que les pieds doivent « se faire », s’ endurcir aux endroits impactés.

Je pense à la douleur. Les changements doivent-ils toujours s’accompagner de la peine ? Est-ce que la souffrance est un marqueur psychologique nécessaire sur la route du changement ?
Une douleur intolérable nous permet-elle de lâcher, de renoncer pour nous tourner, nous ouvrir à de nouvelles possibilités?

Je pense aux douleurs de l’accouchement… à ce passage que les femmes abordent, terrifiées. Surtout par l’idée de ne pas réussir cette traversée. D’ être terrassées par la douleur au point d abandonner. Mais c’est juste une option pas disponible. Alors les femmes souffrent, hurlent, pleurent. Et à la fin, quand le passage est fait, elles ne sont plus les mêmes. Elles sont devenues mères et une vie est née.

La douleur est féconde, donc.
Pour la supporter, il faut peut-être la vivre avec cette belle idée : qu’ un jour elle cessera; ce jour-là nous saurons qu’elle aura enfanté un nouveau nous-même. Elle fera de nous un individu plus fort, mieux préparé pour vivre … ou pour danser.

Olé!

Ps : un grand merci au site d’échanges de maisons guesttoguest pour m’avoir accompagnée dans cette aventure!

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