Au secours! Ma fille – de six ans- fait des selfies !

Hier soir, ma fille de six ans m’a fait peur.

Je ne sais pas pourquoi, c’est un truc générationnel, je crois : elle est dingue de téléphones portables. Un morceau de papier et hop « maman, tu me dessines un téléphone portable ?». Et puis, après, toute fière, elle joue à la grande avec son téléphone de papier, elle fait semblant de parler avec ses petites copines, elle leur donne des rendez-vous, elle leur raconte sa vie d’enfant de six ans. Jusque là, pas de quoi appeler les pompiers.

Mais hier soir, un nouveau cap a été franchi à la maison. J’ai découvert qu’elle connaissait le mot « selfie ». Je lui avais donné un vieux téléphone à moi (qui ne marche pas et auquel j’ai retiré la batterie, parce qu’on ne sait jamais quelles saloperies il y a dedans) et avec, elle ne s’est plus contenté de papoter avec ses copines. Hier soir, elle s’est mise à prendre la pose et à faire des selfies d’elle-même (pléonasme?). La bouche en cœur, elle minaudait, pour séduire l’œil mort de l’appareil. J’ai complètement flippé. Je suis devenue hystérique, j’ai crié : « arrête-ça-tout-de-suite… » J’aurais voulu ajouté « … avant de devenir trop con ». Je ne l’ai pas dit évidemment. Mais l’idée que MA fille de six ans ait intégré le mode -débile-des selfies, ça m’inquiète vraiment vraiment. D’abord, je me suis demandée : « d’où ça vient ? ». Je ne suis pas du tout « selfie », j’ai passé la barre des quarante ans, je n’ai pas besoin de me photographier toutes les cinq minutes pour me rassurer, savoir si je suis -encore- belle, savoir qui je suis, et que je suis, que j’existe. J’existe et le selfie, je trouve ça juste… pathétique, quand on a passé les dix-sept ans.

J’ai respiré profondément puis j’ai demandé à ma fille : « pourquoi tu fais ça ? ». Elle m’a répondu avec son sourire de selfie : « ben parce que ». Je m’attendais à quoi, franchement ? Alors, comme d’habitude, pour ne pas pleurer de désespoir, j’ai dialogué avec moi-même. Je me suis dit que je n’avais pas envie d’avoir une fille superficielle, qui soit aussi creuse que cette époque, où internet est devenu le cœur de nos relations, avec ses réseaux sociaux, contenants sans grands contenus. Et là j’ai compris qu’avoir une fille de six ans qui prend des selfies, c’était avant tout une atteinte à MON narcissisme. Pour moi, ce serait un échec d’avoir une fille superficielle, seulement intéressée par les fringues, le maquillage, les petits copains et les boîtes de nuit (bon, je vois un peu loin, je le reconnais). Une fille de la génération X, obnubilée par son nombril, son apparence et la surface des choses. Ma fille, je l’imagine plus tard belle, bien sûr, mais aussi et surtout intelligente, brillante, curieuse, cultivée… Les selfies de ma fille, c’est d’abord mon problème à moi. Ça veut dire faire le point avec mes attentes, distinguer ma fille réelle de ma fille rêvée… et l’accepter. Bref, de nouveaux cheveux blancs en perspective et des centaines d’euros à dépenser sur le divan de ma psy… pff…

En attendant, j’ai pris les choses en mains. Et j’ai réglé en partie le problème.

– Il est où est mon téléphone, maman ? Je le trouve plus.

– Oh, ben, je sais pas, moi, ma chérie.. -mine désolée-. Tu as dû le perdre. Tu devrais faire un peu plus attention à tes affaires -mine diabolique- ^^

 

Illustrations : © Margaret Keane (d’ailleurs, pour ceux qui ne l’ont pas vu, je vous conseille le sympathique BIG EYES de Tim Burton, inspirée de l’histoire de cette peintre américaine)

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